Il y a 80 ans au Mont Valérien

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Il y a 80 ans au Mont-Valérien. Le sacrifice de Georges Bernard, résistant brestois

Il y a 80 ans, les Allemands fusillaient un premier résistant au Mont-Valérien. C'est en 1941 aussi que Georges Bernard, un jeune résistant brestois, fut exécuté dans ce lieu majeur de la mémoire nationale. Il n'avait que 21 ans. Un très beau livre, Mont-Valérien, mémoires intimes, mémoire nationale, publié aux éditions Ouest-France, raconte ce site et le sacrifice de tous les combattants de la liberté qui y ont laissé leur vie.

C'est la Une de Ouest-France du samedi 7 octobre 1944. Le journal, dont le premier exemplaire est sorti des rotatives il y a un peu plus de deux mois, le 7 août 1944, n'en est qu'à son numéro 54. Sans doute, l'Ouest est libéré mais la guerre continue ailleurs. Et c'est bien ce que rappelle cette première page : La lutte reste violente au nord d'Aix-la-Chapelle. ​On y lit aussi un reportage sur la poche de Lorient où la garnison allemande est désormais assiégée par des résistants et des soldats américains. Les occupants ne rendront les armes qu'à la toute fin de la guerre, le 8 mai 1945.

Dès l'automne 1944, le Mont-Valérien devient un lieu d'hommages aux résistants.                                                                         | LIBÉRATION-SOIR/LE POPULAIRE. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE NATIONALE.

Toujours sur cette première page, un autre article évoque la mémoire de Georges Bernard, un jeune résistant brestois, membre du réseau Élie, fusillé à seulement 21 ans, il y a alors un peu moins de trois ans au Mont-Valérien, aux portes de Paris. Ce haut lieu de la résistance à l'oppression vient de célébrer le 80e anniversaire de la première exécution durant la guerre. Ils seront plus d'un millier à y laisser leur vie.

Georges Bernard, résistant du groupe Eliie, fusillé au Mont Valérien en 1941. | VILLE DE BREST.

Le journal évoque les dernières heures de Georges Bernard et de ses camarades : Depuis la prison, ils ont chanté des refrains patriotiques. L'un après l'autre, ils tombèrent. ​Si cet hommage est exprimé par l'Association des journalistes de l'Ouest, ce n'est pas un hasard. Georges Bernard était un jeune journaliste de l'Ouest-Eclair, l'ancêtre de Ouest-France.

« Des risques considérables »

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Gwénolé Le Mest, 62 ans, originaire de Brest et aujourd'hui installé à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), a tout fait pour préserver la mémoire de Georges Bernard, par exemple en sauvegardant des lettres et d'autres témoignages, aujourd'hui remis au Mont Valérien. Au nom de la mémoire familiale d'abord. Sa mère et le jeune résistant étaient cousins. Ma mère avait une grande admiration pour Georges Bernard et elle en parlait souvent. Les membres du réseau ont pris des risques considérables​, souligne Gwénolé Le Mest, professeur de philosophie. S'engager ainsi semblait évident à tous ces résistants. Et il ne faut pas que cela sombre dans l'oubli​, poursuit-il. Ils ont mené des actions d'espionnage, volé des armes ou organisé des attentats contre les installations militaires de l'ennemi.

La Une de Ouest-France du 7 octobre 1944. On y lit le récit de la suite du conflit mondial, comme les combats des alliées en Allemagne, et un hommage à Georges Bernard.

L'émotion d'un sous-officier allemand

Deux ans et demi plus tard, le 14 avril 1947, Ouest-France livre un témoignage poignant sur Georges Bernard. C'est une lettre envoyée par un sous-officier allemand à sa mère. Celle-ci vit alors à Fougères (Ille-et-Vilaine) et ce courrier a pu lui être transmis par la Croix-Rouge. J'étais souvent dans la cellule de votre fils avec qui j'aimais tant m'entretenir. Chaque fois que j'y allais, j'étais étonné à la fois de son intelligence et de son courage. Il m'a toujours parlé de vous, de sa petite sœur et de son beau pays qu'il ne devait plus revoir​, écrit ainsi Werner Molter qui raconte les derniers moments de Georges Bernard et de ses camarades.

Le récit est bouleversant. Je n'ai jamais vu un tel héroïsme. Pas une plainte, pas une larme. Tous moururent debout, sans trembler, s'écriant Vive la France​, poursuit ce sous-officier allemand.

Dans son édition du 10 décembre 1945, Ouest-France retrace l'engagement du groupe de résistance brestois Elie.


La stèle à la mémoire des résistants du groupe Élie a été dévoilée à Brest,                                          le samedi 20 septembre 2003.

Ce travail de mémoire trace son sillon. Le samedi 20 septembre 2003, une stèle est dévoilée à Brest, square Rhin et Danube, pour rappeler l'engagement et le sacrifice du groupe Élie. Dès septembre 1940, ils sont une quarantaine à refuse r l'occupation allemande et à entrer en résistance , souligne Ouest-France . Tandis que François Cuillandre, le maire de Brest, évoque ces visages d'exception qui ont fait le choix de la liberté et refusé la défaite.

Le livre de la Mémoire. Ce sont d'abord des portraits de résistants fusillés, comme le jeune Brestois Georges Bernard. Et aussi des écrits d'historiens qui expliquent comment au Mont-Valérien s'est cristallisée toute la mémoire de la France résistante, celle de l'armée des ombres. L'ouvrage, Mont-Valérien, mémoires intimes, mémoire nationale, est ainsi un voyage émouvant qui permet d'accompagner, jusqu'à leurs dernières heures, toutes ces victimes de la répression nazie. Elles seront plus d'un millier. Le livre joue aussi le rôle de passeur de mémoire. Il raconte et il explique. Les textes sont accompagnés de riches illustrations et aussi de dessins tout autant poignants de vérité. Dans sa préface, Robert Badinter, l'ancien ministre de la Justice, évoque la place du Mont-Valérien dans la mémoire nationale. Il est, insiste-t-il, « une enceinte sacrée ».

Mont-Valérien, mémoires intimes, mémoire nationale. Éditions Ouest-France, avec de très riches illustrations. 234 pages, 26,50 €

Ouest France : Didier GOURIN. Publié le 26/03/2021