9 novembre 1970
Le soir où s’éteint le Général De Gaulle
Mort tenue secrète toute la nuit
Il vient de gagner la bibliothèque où un feu de bois se consume dans la cheminée. Il s'assoit devant la table de bridge où, chaque soir, avant le journal télévisé et le dîner, il s'adonne à ce qu'il appelle sa « discipline d'oisiveté » : une réussite.
Charles de Gaulle s'affaisse dans son fauteuil, la tête dans une main, sous les yeux d'Yvonne, en train d'écrire, installée à son secrétaire. Il a déjà perdu connaissance.
Aussitôt appelés par son épouse, le père Jaugey, curé de Colombey, et le docteur Lacheny arrivent ensemble. Il est trop tard. Rupture d'anévrisme abdominal, diagnostique le médecin. Le fondateur de la Ve République expire alors que le prêtre lui administre les derniers sacrements.
Le général de Gaulle, lors d'une conférence de presse à l'Élysée, le 8 septembre 1968. (Photo AFP)
Difficilement concevable, 50 ans plus tard, à l'heure de Twitter et des réseaux sociaux, la mort du héros de la Seconde Guerre mondiale est tenue secrète toute la nuit. Seuls ses enfants sont prévenus.
Son successeur, le président Georges Pompidou, n'est lui-même averti qu'à 7 h 20, soit douze heures après le décès. Aucun communiqué, aucune annonce officielle. C'est, à 9 h 41, un flash de l'Agence France Presse - « De Gaulle décéda » - qui rend publique la mort du général.
« La France est veuve... » (George Pompidou)
« Je ne veux pas d'obsèques nationales »
Mais les dernières volontés du général de Gaulle, rédigées dès janvier 1952, sont très claires : ses funérailles auront lieu à Colombey, au cours d'une cérémonie « extrêmement simple ». Et, surtout, « je ne veux pas d'obsèques nationales... Ni président, ni ministres (...), aucun discours », a-t-il exigé.
Contraste entre Paris et Colombey. Le jeudi 12, le monde entier est réuni sous les voûtes de Notre-Dame en l'absence - fait unique de l'Histoire - de la dépouille du défunt : 86 nations représentées, 33 souverains et chefs d'État, dont le président américain Richard Nixon, et 6 000 fidèles.
À 250 km de là, à Colombey, il y a aussi la foule mais c'est la sobriété qui domine. La seule participation officielle est celle de l'armée. Le cercueil en chêne recouvert d'un simple drap tricolore frangé d'or rejoint le cimetière sur un engin blindé de reconnaissance.
Dans le concert de louanges qui accompagne la mort de l'homme du 18 juin, l'hebdomadaire satirique « Hara-Kiri, journal bête et méchant » détonne en titrant : « Bal tragique à Colombey : un mort ».
Une allusion à un terrible fait divers survenu quelques jours plus tôt : l'incendie d'un dancing de l'Isère qui a coûté la vie à 146 personnes.
Scandale. L'hebdomadaire est aussitôt censuré par le ministre de l'Intérieur qui l'interdit à « l'exposition et la vente aux mineurs ». L'équipe relance aussitôt le journal avec un titre en clin d'œil à « Charlie Brown », héros des Peanuts, mais aussi au prénom du général : « Charlie Hebdo » est né...
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