2022-05-27 Ile Tudy
27 mai à l'Ile Tudy
Faustine et Valentin étaient chargés de lire l'évocation historique rédigée par François Fouré, mettant en avant l'importance mémorielle du lieu où ils se trouvaient. C'est de cette plage que part, le 2 février 1944, le Jouet des flots, avec à son bord d'éminents Résistants, dont Pierre Brossolette alias "Brumaire", Émile Bollaert alias "Baudoin" et le Lieutenant de vaisseau Le Henaff et des pilotes britanniques et américains.
Lecture de l'évocation historique par Faustine et Valentin du Lycée Laënnec
de Pont l'Abbé
Après avoir échappé plusieurs fois à des arrestations, Pierre Brossolette doit rentrer à Londres afin de présenter au chef de la France libre le nouveau délégué général du Comité français de la Libération nationale auprès du Conseil national de la Résistance créé par Jean Moulin.
Émile Bollaert alias "Baudoin" puisqu'il s'agit de lui, et Pierre Brossolette alias «Brumaire» font plusieurs tentatives par voie aérienne qui échouent. Ils décident alors de regagner Londres par mer. Ils quittent Paris en train, direction Quimper. Ils retrouvent dans le train éparpillés, une vingtaine de gaillards, blonds et athlétiques, dotés d'accoutrements pittoresques et parfaitement taciturnes dotés d'une carte d'identité de sourds-muets. Il s'agit de pilotes britanniques et américains devant embarquer avec eux. Ils sont 32 à faire le voyage. Sur place, l'officier de renseignement James Bargain et le lieutenant de vaisseau Yves Le Hénaff, tous deux originaires de l'Île Tudy, préparent cette évacuation nommée l'opération "Dahlia".
Durant la journée d'attente qu'ils passent à Quimper, Pierre Brossolette qui écrit un livre de philosophie politique, en lit les bonnes pages à ses compagnons. À la fin de la journée, ils sont à l'île Tudy, dans une villa appartenant aux parents de Le Hénaff. Et c'est là que par les messages personnels diffusés par Radio Londres, ils apprennent que l'opération aura lieu.
La mission "Dahlia" achète "Le Jouet des flots". Coque bleue de 14mètres ce petit navire fait le cabotage des pommes de terre entre les ports bretons. Pour le moment il hiverne sur la vasière du Port-Rhu à Douarnenez. En accord avec l'administration et pour déjouer la surveillance allemande, le bateau est fictivement immatriculé à Concarneau. Le plan est d'embarquer, dès la nuit tombée, à l'île Tudy, de faire route toute la nuit en contournant l'île de Sein, afin d'être, aux premières heures du jour, au nord d'Ouessant où une vedette rapide de la marine de Sa Majesté britannique doit les recueillir.
2 février 1944, pressé par le temps, le patron du «Jouet des flots» Émile le Bris de Douarnenez et son fils Désiré, ne peuvent embarquer comme prévu le marin de l'Île Tudy prévu pour les guider au large du Teven. Lors de son approche de la plage, la nuit est noire et la mer déjà formée. Le navire talonne sur la roche de Margodie. Il est 23 heure et le temps manque pour inspecter la coque. Malgré le risque, l'embarquement est effectué, sous le commandement de Le Henaff. Cap sur les Glénan puis au niveau des Moutons, cap à l'ouest. Le vent fraîchit.
La mer est grosse. Nombreux passagers sont sensibles au mal de mer et sont vite en piteux état, mais la perspective de toucher au but les soutient. Malheureusement, "Le Jouet des flots" est vieux. Il est alors un peu plus de minuit. La houle s'est creusée. Par le travers du Raz de Sein, le bateau enfourne. La violence des coups de mer aggrave les fissures dues au talonnage devant l'Ile Tudy et disjoint une partie de la coque. Une voie d'eau se déclare, le moteur est noyé et cale au large des brisants de l'île de Sein. Il n'a plus de capacité de manœuvre.
L'alternative paraît simple : soit les brisants soit les Allemands. Le Bris, patron du bateau, réussit, en pleine nuit, à monter un gréement de fortune malgré un très violent roulis et à le hisser. Le Jouet des flots est de nouveau manœuvrant mais avec une vitesse maximale ne dépassant pas 3 nœuds. Il continue de faire eau. Des pompes à main sont installées. La vigueur des jeunes aviateurs américains y fait merveille. Le Bris fait demi tour pour tenter d'accoster en face de Plogoff.
Il a le choix entre :
-un accostage de nuit avec le risque de s'échouer sur les rochers à quelques dizaines de mètres de la côte, mais avec la possibilité de nager et d'arriver à la côte, sans être vus par les Allemands,
-une arrivée de jour mais avec la quasi certitude d'être vus et pris par les allemands.
L'équipage opte pour l'arrivée de nuit, mais les courants en décident autrement et ce n'est qu'à 8 heures du matin, dans le Feunten-Aod, anse abritée, qu'ils arrivent à accoster sur un rocher à trois mètres de la côte ...... quelques centaines de mètres seulement où 4 années avant Honoré d'Estienne d'Orves avait débarqué à Pors Loubous en décembre 1940 pour monter le réseau Nemrod. À la surprise de l'équipage aucun Allemand n'est présent. L'eau est glacée. Le mât, coupé à coups de hache, sert de passerelle. Les passagers débarquent. Le Jouet des flot va se disloquer. La mission "Dahlia" est un échec.
Le Hénaff est de la région. Il explique à Brossolette qu'il pourra rapidement faire venir une voiture. Mais les Allemands apprennent vite qu'un bateau s'est échoué. Les barrages de la Feldgendarmerie se mettent rapidement en place et quelques heures plus tard, ils sont arrêtés par une patrouille allemande au niveau d'Audierne. Ils sont transférés à la Kommandanture de Rennes puis de Paris. Pierre Brossolette choisit de se suicider. Émile Bollaert, déporté en Allemagne, survit à l'univers concentrationnaire de Buchenwald, Dora, puis Bergen-Belsen. Yves Le Hénaff meurt étouffé, le 2 juillet 1944, dans le train qui le conduit dans les camps en Allemagne.
Les pilotes américains et britanniques parviennent à échapper aux griffes des Allemands et réussissent à regagner l'Angleterre.
Malheureusement, en représailles, l'occupant allemand décide une rafle d'otages à l'Île-Tudy : quatorze Îliens sont déportés. Un seul d'entre eux survit et revient en 1945.
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Sources : Fondation de la Résistance - Musée de la Résistance en ligne (Delphine Le Floc'h - Fabrice Bourrée) - Jacques Maillet Compagnon de la Libération